Les dispositions du Code du travail encadrent l'engagement de l'employeur à anticiper les risques professionnels sur le lieu de travail. Cette responsabilité a évolué au fil des années à travers diverses décisions judiciaires. Actuellement, le non-respect de cette obligation est sanctionné en tant que faute inexcusable.
1. L'obligation de sécurité de résultat : un concept élaboré par les décisions judiciaires
Le principe de l'obligation de sécurité de résultat stipule que l'employeur est tenu de prévenir les risques professionnels, que ce soit par le biais de mesures préventives ou d'actions d'information et de formation. Cette obligation légale a été définie de manière plus précise par les juges de la Cour de cassation dans les arrêts "amiante" du 28 février 2002.
Ces arrêts étaient liés à des travailleurs exposés à l'amiante, ayant développé des maladies professionnelles. Dans ces litiges, les salariés ont intenté des actions en justice pour obtenir une indemnisation complémentaire et des dommages-intérêts en raison de la faute inexcusable de l'employeur.
La Cour de cassation a établi que, en vertu du contrat de travail, l'employeur est soumis à une obligation de sécurité de résultat envers le salarié. Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable lorsque l'employeur était conscient du danger ou aurait dû l'être, et n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.
Les implications de l'application de cette obligation de sécurité de résultat sont les suivantes :
Obligation de mettre en œuvre des mesures de prévention : L'employeur doit prendre des mesures pour garantir la santé et la sécurité du travailleur dès qu'il a connaissance du danger auquel le salarié est exposé. En tant que chef d'entreprise, il est responsable d'assurer la réalisation du droit à la sécurité et à la santé au travail.
Limites aux pouvoirs de direction de l'employeur : L'employeur ne doit pas, dans l'exercice de son pouvoir de direction, prendre des mesures qui compromettraient la santé et la sécurité des salariés, notamment lors d'une réorganisation professionnelle ou dans le cadre de ses prérogatives de gestion courante de l'entreprise.
La charge de la preuve de l'obligation de sécurité de résultat incombe à l'employeur lorsqu'un salarié est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, l'employeur doit démontrer que l'accident est indépendant de tout manquement à la sécurité de résultat. Ainsi, la responsabilité de la preuve repose sur l'employeur, et non sur le salarié.
Le simple fait de ne pas prendre de telles mesures constitue un manquement à l'obligation de sécurité de résultat, entraînant nécessairement un préjudice pour le salarié concerné. L'objectif de cette obligation est de faciliter la démonstration de la faute inexcusable de l'employeur en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, en vue d'améliorer l'indemnisation des victimes.
2. Un principe nuancé par la jurisprudence récente
Cependant, depuis 2015, la Haute Cour a modéré la rigueur de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur en matière de sécurité au travail. La Cour de cassation a établi que l'employeur ne manque pas à son devoir de sécurité de résultat, même en cas de préjudice à la santé du salarié, s'il peut démontrer avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires conformément aux dispositions du Code du travail.
Cette jurisprudence a été énoncée dans un arrêt Air France du 25 novembre 2015. Dans cette affaire, un salarié d'Air France avait été témoin des attentats du 11 septembre 2001. L'employeur avait réagi au stress post-traumatique en mettant en place un suivi médical (entre 2002 et 2006) pour le salarié et tout l'équipage. En 2006, alors qu'il s'apprêtait à embarquer, le salarié a été pris d'une crise de panique. Il a ensuite saisi le conseil de prud'hommes pour condamner son employeur pour non-respect de son obligation de sécurité de résultat.
À l'issue de la procédure judiciaire, les juges ont énoncé le principe selon lequel un employeur, malgré la maladie professionnelle du salarié, n'enfreint pas son devoir légal d'assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale des travailleurs s'il peut prouver avoir pris toutes les mesures prévues par le Code du travail.
Par un arrêt du 1er juin 2016, cette décision a été étendue au harcèlement moral. La Cour de cassation a ainsi assoupli sa position en abandonnant stricto sensu la référence à l'obligation de sécurité de résultat dans le contentieux du droit du travail. Elle exige désormais des employeurs le respect des obligations légales (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2), impliquant notamment :
La mise en œuvre d'une politique de prévention efficace et adaptée.
La mobilisation de moyens (humains, matériels, financiers, etc.) de prévention.
La conduite, au minimum, d'une réflexion approfondie sur leur politique de prévention, allant au-delà des dispositions législatives.
Ainsi, l'employeur est désormais appelé à démontrer à la fois anticipation et réaction. En cas contraire, sa responsabilité civile et/ou pénale pourrait être engagée.
3. La notion de faute inexcusable de l'employeur
La faute inexcusable de l'employeur se caractérise par son manquement à l'obligation de sécurité, notamment révélé à travers un accident du travail ou une maladie professionnelle. À l'origine, elle était définie comme une faute d'une gravité exceptionnelle, englobant une grave imprudence ou un non-respect des règles élémentaires de prudence, tel que le placement d'un travailleur insuffisamment formé sur un poste présentant des risques.
Cette conception a évolué parallèlement à celle de l'obligation de sécurité de l'employeur. Selon la jurisprudence, la faute inexcusable peut être reprochée à l'employeur lorsque deux conditions sont réunies : il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger.
Lorsque la Cour de cassation a qualifié l'obligation de sécurité de résultat, elle a facilité la tâche des salariés en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. La victime n'a plus besoin de prouver une faute d'une gravité exceptionnelle, le simple constat du manquement à l'obligation de sécurité suffit. Il importe peu que cette faute soit la cause déterminante de l'accident ; il suffit qu'elle soit une cause nécessaire, même si d'autres fautes ont contribué au dommage.
Par deux arrêts du 8 octobre 2020, la Cour de cassation a redéfini la faute inexcusable en précisant que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé constitue une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le travailleur et n'a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger.
Dans une décision du 8 juillet 2021, la Cour de cassation a souligné que le simple signalement d'un risque à l'employeur, qu'il émane du salarié ou d'un représentant du personnel, permet à la victime de bénéficier du régime de la faute inexcusable. Ainsi, l'employeur doit être particulièrement attentif aux signalements et alertes émis par les salariés, notamment en matière de risques psychosociaux.
La mise en œuvre de la responsabilité pour faute inexcusable de l'employeur nécessite une action en justice devant le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS). Cette action est soumise à une prescription de deux ans. En cas de reconnaissance de la faute inexcusable, la victime peut prétendre à des indemnités complémentaires, incluant notamment la majoration de la rente ou du capital, des compensations pour souffrances physiques et morales, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, perte de chance de promotion professionnelle, etc.
Au pénal, l'employeur peut également être poursuivi pour sa responsabilité pénale, en plus de la responsabilité civile. Les victimes ne peuvent renoncer, par accord, à agir en reconnaissance d'une faute inexcusable, mais une transaction sur le montant des réparations peut intervenir une fois que la faute est établie, évitant ainsi un procès.
4. Mise en pratique des obligations en matière de santé et sécurité au travail
La législation et la jurisprudence ont imposé à l'employeur une responsabilité accrue dans la protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Bien que cette obligation découle du Code du travail, elle a évolué au fil des décisions de la Cour de cassation, passant d'une obligation de sécurité de résultat en 2002 à une obligation de moyens renforcée depuis 2015.
Le non-respect d'une règle de sécurité énoncée par le Code du travail constitue en soi une faute inexcusable. Les membres du Comité social et économique (CSE), dans le cadre de leurs missions liées à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, ont la responsabilité de signaler tout manquement observé lors d'une inspection ou toute information en ce sens qui leur aurait été transmise par les salariés.
De même, en cas de connaissance d'une situation susceptible de compromettre la santé et la sécurité des salariés, les membres du CSE doivent informer l'employeur de la problématique pour lui exposer la situation. Les élus bénéficient en effet d'un droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale, ou aux libertés individuelles, qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. L'analyse et les mesures de prévention doivent donc englober à la fois les risques physiques et les risques psychosociaux.
Il est donc impératif de veiller à être associé aux actions de prévention, d'information, de formation, et à la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés visant à éliminer ou réduire les risques pour la santé et la sécurité des salariés. Cela peut s'effectuer notamment dans le cadre des réunions annuelles dédiées à ces questions, où la participation active des membres du CSE est essentielle pour assurer une approche complète et proactive en matière de santé et de sécurité au travail.
Références aux textes officiels
Il est essentiel de se référer aux textes officiels en vigueur pour une compréhension approfondie des obligations en matière de santé et sécurité au travail. En France, plusieurs textes réglementaires sont pertinents dans ce contexte. Voici quelques références clés :
1. Code du Travail (C. trav.) :
- L. 4121-1 : Article du Code du Travail énonçant les principes généraux de prévention des risques professionnels.
- L. 2312-60 : Article concernant les missions et le fonctionnement du Comité social et économique (CSE).
2. Code de la Sécurité Sociale (CSS) :
- L. 431-2 : Article du Code de la Sécurité Sociale relatif à la déclaration des accidents du travail.
- L. 452-2 : Article traitant des dispositions relatives aux maladies professionnelles.
3. Décisions de la Cour de Cassation (Cass. soc.) :
- 28 février 2002, n° 99-18.389 et n° 00-11.793 : Décisions concernant la qualification de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.
- 28 novembre 2007, n° 06-21.964 : Décision portant sur des questions relatives aux accidents du travail.
- 5 mars 2008, n° 06-45.888 : Décision relative à des aspects du droit du travail.
- 25 novembre 2015, n° 14-24.444 : Décision importante redéfinissant la faute inexcusable de l'employeur.
- 1er juin 2016, n° 14-19.702 : Décision étendant la notion de faute inexcusable au harcèlement moral.
- 8 octobre 2020, n° 18-25.021 et n° 18-26.677 : Décisions modifiant la définition de la faute inexcusable.
- 8 juillet 2021, n° 19-25.550 : Décision clarifiant que le simple signalement d'un risque permet à la victime de bénéficier du régime de la faute inexcusable.
Ces références juridiques constituent une base importante pour comprendre les obligations de l'employeur en matière de santé et sécurité au travail, ainsi que l'évolution de la jurisprudence liée à ces questions en France.
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